Status Quo et les USA
En
ces fructueuses années 60, tout rêve des groupes anglais reste la conquête du lucratif marché américain. Status Quo ne fait pas
exception à cette règle. Conquérir ce pays, c'est s'octroyer
de confortables revenus mais les artistes populaires anglais peinent à
s'imposer au pays de l'oncle Sam. En février 1964, les Beatles y
ont, pourtant, réussi. 'On savait que l'Amérique ferait de nous des
vedettes mondiales ou nous détruirait. En définitive, elle nous a
faits' affirmera Epstein, le manager des Fab Four. Le 22 février,
le groupe quitte les Etats-Unis après quelques concerts et surtout,
253.000 dollars versés par sa maison de disques, Capitol ! Les
quatre de Liverpool ont montré le chemin, aux autres de s'y
engouffrer ... Encore faut-il avoir du succès dans son propre pays
puis en Europe ce que Status Quo peine à réaliser. Pourtant, la
sortie de 'Pictures of matchstick men' semble dégager l'horizon
car après son succès européen, le titre entre dans les Charts
américains, le 11 mai, à la 130ième place. Il débute une lente
ascension qui le conduira à une très belle 12ième position, le 3
août suivant. Il restera classé près de quatre mois avec
500.000 exemplaires vendus ! Fort de ce succès, le label Cadet avec
qui Status Quo a signé pour la distribution américaine, remet le
couvert avec 'Ice in the sun'.
Cette fois-ci, le succès est beaucoup plus mitigé puisque le titre n'est classé que trois semaines et n'atteint qu'une modeste 70ième place. Qu'à cela ne tienne, une tournée est prévue débuter le 27 septembre 1968. 'Nous travaillons d'arrache pied pour être prêts pour cette tournée de septembre. Nous avons entendu dire que les groupes ne gagnaient pas d'argent lors de leur première tournée US mais nous allons essayer, quand même. Nous allons jouer, principalement, dans des collèges, là où se trouve l'argent. Sauf si vous êtes très connus, vous ne pouvez gagner beaucoup des concerts. C'est un pays immense et ça prend beaucoup de temps, pour un groupe, que d'être reconnu' précise Rossi. Reportée dans un premier temps au 8 octobre, elle est, finalement, annulée comme le témoigne Alan Lancaster : On nous a fait une offre, mais bien que nous ayons eu, tous, envie d'y aller, nous avons du, après discussions, renoncer. Après que 'Black veils of melancholy' fut un bide en Angleterre, nous avons pensé qu'il était particulièrement important d'être présent, ici, pour promouvoir notre dernier single. Et puis, notre album doit sortir dans les jours qui viennent. A cet instant, l'Angleterre est la place la plus importante pour nous. Et puis, c'est une sacrée organisation qu'une tournée aux Etats-Unis. Il faut transporter tout notre matériel car il est hors de question que nous ne jouions pas avec notre propre matériel et ceci aurait un coût terrible'. Erreur de stratégie de la part d'un groupe et d'un management inexpérimentés qui auraient pu surfer sur la vague de ses deux singles et, peut-être, participer au mythique 'Ed Sullivan Show'. Qui sait ce qu'il serait , alors, advenu ... Rebelotte, en novembre avec un concert pourtant programmé, le 29 à New-York ! C'est à ce moment que la formation récolte son premier disque d'or pour le million d'unités vendues de 'Pictures of Matchstick men' à travers le monde dont une grande partie aux Etats-Unis. Une semaine de tournée promotionnelle (encore une fois à New-York) est mise en pied ! Encore une fois annulée. En mars, Pye décide de monter la tournée 'Pye British Invasion' qui doit traverser le Pays au mois de mars. Elle est finalement, aussi, annulée au dernier moment ! Cadet éditera encore trois singles, en 1969, avant de jeter l'éponge devant leurs insuccès. En 1970, c'est le label Janus (chargé de la distribution des productions Pye en Angleterre) qui prend le relais pour 'Down the dustpipe', 'In my chair' et 'Tune to the music'. Ces trois simples ne rencontreront, à leur tour, aucun succès. En 1973, la situation a évolué. L'Angleterre et l'Allemagne sont conquises et la France est sur le point de l'être, il est, donc, temps de se tourner vers le 'grand continent' d'autant plus que Colin Johnson vent de signer un contrat de deux ans avec A&M Records qui assurera une bien meilleure distribution que Janus. Les ventes de 'Piledriver' demeurent, pourtant, modestes. La tournée à venir augmentera, forcément, de manière significative ces statistiques.
Telle est la pensée du groupe et de son management
au moment où tout ce petit monde s'embarque pour ce premier tour
américain. Nous sommes au printemps 1973 et la tournée, baptisée
'Coast to Coast' doit durer deux mois (2 mai au 1er
juillet). Status Quo a choisi de tourner, principalement, avec Savoy
Brown (il fut évoqué, un moment, une tournée conjointe avec Deep Purple). Dire que ce choix s'avère judicieux est exagéré, ce
groupe n'ayant obtenu que six hits mineurs aux Etats-Unis (classés
entre la 34ième et la 182ième place), les deux formations se voient
contraintes de tourner, uniquement, dans de petits clubs (Ce restera, pourtant, le meilleur souvenir de Status Quo sur ses aventures américaines). 'Je me souviens d'une loge qui faisait à peine 2 mètres de côté. Nous nous sommes changés deux par deux' se remémore Coghlan. Afin de
soutenir la tournée, A&M met sur le marché deux simples, 'Don't
waste my time' et 'Paper plane' avec chacun en face B, 'All
the reasons'. Le
premier concert de cette tournée se déroule au Whisky A Go
Go
de Los Angeles. En ce 2 mai 1973, le groupe donne une représentation pour la
presse et sa maison de disques. Quelle n'est pas la surprise de
Status Quo lorsque le groupe visite la salle. Elle a tout sauf d'une
salle de concert de rock. Elle est extrêmement petite et ressemble
plus à un cabaret avec toutes ses tables éclairées d'une petite
lampe. Quant à la scène, elle est placée, assez haute, dans un
coin de la salle et si peu large que le groupe a l'impression de se
marcher dessus. 'Les
concerts au Whisky furent très difficiles. Nous aimons avoir de la
place pour bouger et là, la scène est aussi grande qu'un
timbre-poste. Le soir où nous avons joué pour la presse et la
maison de disques, nous avions l'impression de jouer devant un mur'
confie la formation. Inaugurée
le 11 janvier 1963, la salle est, en fait, plus à considérer comme
une discothèque qu'une salle de concert. Pourtant, le Whisky A
go-go a contribué à lancer quelques groupes connus tels que Cream. Pour couronner le tout, Francis Rossi est atteint d'une infection de la gorge et ne
trouve rien de mieux que de vomir sur la scène en plein concert, annulant, du coup, la dernière représentation (7 mai).
Tous ces éléments sont bien évidemment peu propice pour donner de
bonnes vibrations et les prestations du groupe restent quelconques. Le management de Status Quo a, largement, mis la main au porte-monnaie pour jouer au Whisky (2020 $ pour les quatre soirées !). Ces premières dates n'ont, certainement pas engendré de quelconques bénéfices mais groupe et entourage savent qu'explorer un territoire inconnu limite les bénéfices. Néanmoins, la formation commence à connaître les joies d'une tournée U.S. En effet, juste avant le premier concert donné dans cette salle, alors que le groupe est dans les loges, plusieurs filles nommées les 'Little Angels' viennent proposer leur service afin que l'attente soit moins longue et monotone.
C'est seulement après avoir donné du plaisir aux quatre Anglais que les filles quittent le groupe en leur donnant leur numéro de téléphone et en les conseillant de les appeler en cas de besoin. Colin Johnson, lui, rencontre, dans une rue de Los Angelès, alors qu'il est à la recherche d'un taxi, sa future femme, Hélène. Le 3 mai, Status Quo joue, à Santa Monica, en première partie de Slade à qui il arrive à voler la vedette ! Quarante quatre concerts sont donnés, la plus grosse partie avec Savoy Brown, certains avec Canned Heat, d'autres avec Blue Oyster Cult. Trois dates sont distillées au Matrix de San Francisco, les 15, 16 et 17 juin. Cette fois-ci, le management a du débourser la somme de 750 $. Les réactions du public sont bonnes, voire excellentes mais largement insufisantes pour engendrer de bonnes ventes. Les Américains sont venus voir un concert, passé un bon moment mais de là à acquérir un disque est une barrière que chacun n'est pas prêt de franchir ! C'est un groupe désabusé, fatigué par les longs voyages et les divers abus qui rentre en Angleterre après un dernier concert, le 1er juillet, à Boston. 'Nous jouions devant 15.000 personnes un soir et seulement 200 le lendemain. Nous attendions notre tour, assis dans un coin et montrés du doigt. Le groupe en a eu assez après un mois. Je passais mon temps à appeler chez moi en Angleterre, maintenant, j'attends la note.' affirme Rossi. Deux mois de tournée pour pratiquement rien ! Dans les quelques villes où le Quo est passé, 'Piledriver' enregistre quelques ventes. Environ 4.000 exemplaires, une misère au niveau de l'ensemble du territoire ! Cette tournée est une première expérience. Certes, elle est loin d'être concluante mais doit servir de référence pour la seconde qui est prévue pour le mois de décembre de cette année 1973. Cette fois-ci, le groupe doit se produire en compagnie de Billy Preston et, à nouveau cinq fois au Whisky A Go Go de Los Angeles. Preston a accumulé les hits aux U.S.A et cette fois-ci, les concerts auront lieu dans de plus grandes salles. Status Quo touchera un public plus large qui permettra, certainement, de vendre 'Hello' lequel, rappelons-le a été n°1 en Angleterre. Mais, à la dernière minute, le groupe, dans son intégralité, décide de renoncer afin de consacrer une grosse partie du mois de décembre à l'enregistrement du nouvel album ! Deuxième couac !!!
Qu'à cela ne tienne, une nouvelle tournée est mise sur pied au début de l'année 1974. A&M met sur le marché le single 'Caroline'. Cette fois-ci, Status Quo doit accompagner Fleetwood Mac dont la popularité grandissante outre-Atlantique ne peut qu'engendrer de positives retombées ! Le tour doit s'étaler du 6 février au 15 mars, six semaines à tourner dans des salles à bonne capacité. Seulement voilà, il est décidé que la conquête des Etats-Unis sera, continuellement semée d'embûches. En effet, suite à une affaire d'adultère avec sa femme, Mick Fleetwood décide de faire virer Bob Weston, le guitariste, éclatant, du coup, la formation. Cependant, le peu scrupuleux manager, Clifford Davis, désireux d'honorer les contrats se décide de recruter les membres du groupe Legs et de les faire tourner sous le nom Fleetwood Mac, les fans du groupe ayant été trompeusement informé que Mick Fleetwood et Christine Mc Vie rejoindraient le groupe en cours de tournée. Ce n'est qu'une fois sur place que Status Quo s'aperçoit que le prétendu combo n'est qu'une vulgaire supercherie ! De plus, Nazareth, autre formation prévue pour la tournée décline, finalement, l'invitation. Juste avant d'entamer cette tournée, Status Quo donne cinq concerts au Whisky A Go Go de Los Angelès et trois au Matrix de San Francisco. Ces représentations sont des succès, le public étant réceptif . 'Je ne vois aucun groupe américain qui ait le côté naturel que le Quo possède sur scène. Quand ça roule, il y a ce contact unique avec notre public que je ne retrouve chez personne d'autre, surtout dans les groupes américains' précise Rossi.
Le gros de la tournée doit débuter, le 18 février, à Vancouver. Après avoir, un premier temps, envisagé être remplacé par Badfinger puis Captain Beyond où figure un certain Rod Evans, le chanteur original de Deep Purple, les shows sont finalement ouverts par Tim Buckley. Francis Rossi y va de son explication : 'Nous aurions dû être avec Fleetwood Mac pendant cinq semaines mais c'était ridicule. C'était notre seconde tournée aux Etats-Unis et nous étions parfois en première partie, parfois en tête d'affiche. 'Déjà, il est facile d'imaginer ce que peut être la réaction du public américain venu voir Fleetwood Mac et de réaliser que le groupe qui est sur scène, devant eux, n'est pas Fleetwood Mac. Un soir, nous devions, donc, faire un concert avec eux et Nazareth. Nazareth devait ouvrir, nous en second et Fleetwood Mac en tête d'affiche. Puis, Nazareth a déclaré forfait alors ce devait être Badfinger qui devait ouvrir. Ces derniers ont finalement refusé également alors c'est Tim Buckley qui est venu. Tout a été fait par téléphone, juste avant le concert car il fallait bien se sortir de là'. De plus avec ses deux guitaristes, affaiblis à cause d'une pleurésie, Status Quo est loin de donner le meilleur de lui même sur scène. 'Nous avons dû nous retirer des deux derniers concerts à Winnipeg où nous étions tête d'affiche, supporté par un groupe américain. Mais, il semble qu'il soit encore trop tôt pour nous pour être tête d'affiche, là-bas bien que les concerts étaient complets. Nous n'aurions pas dû faire ces concerts parce que, raison de plus, nous étions malades. Nous en avons fait quatre sur les huit prévus puis nous sommes rentrés'.
Pour anecdote, le concert du 20 février, au Kinsmen Fieldhouse d'Edmonton, , fut interrompu au bout de deux titres joués par le faux Fleetwood, le public manifestant son mécontentement par des jets de bouteilles sur les musiciens. Cependant, malgré de bonnes réactions du public américain envers Quo et une promotion de A&M, responsable de la distribution discographique du groupe aux Etats-Unis, les ventes ne décollent pas même si ,dans certains endroits, 'Piledriver' semblent s'écouler en quantité raisonnable ce qui ne semble pas le cas pour 'Hello'. D'ailleurs, le groupe est si connu aux Etats-Unis qu'on peut lire, dans la presse américaine, que Status Quo entame ses concerts avec 'Rock me Baby' qui sont les paroles de 'Junior's wailing'. Status Quo est réputé pour ses prestations scéniques qui, en plus, lors de ce tour, s'avéreront largement en deça de l'habitude, Francis et Rick étant, rappelons-le, atteint de pleurésie. A leur retour, en Angleterre, au mois de mars, Rossi se montre réservé sur les chances de Status Quo à percer aux Etats-Unis. 'Ca va nous prendre longtemps avant d'accrocher les Américains dans de bonnes conditions. Nous sommes un groupe qui a toujours progressé de manière régulière mais il n'y a pas de places pour ça aux Etats-Unis. C'est très difficile car ils n'ont pas vu la construction de Status Quo. Pour eux, nous ne sommes qu'un groupe anglais de plus et ils ont en déjà vu tant'. Entre deux représentations et juste avant de quitter les U.S.A, Status Quo a, néanmoins, trouvé le temps d'enregistrer 'Big Fat Mama' en vrai live, pour l'émission, 'The Midnight Spécial' pour ce qui sera, à ce jour, sa seule participation à la télévision américaine. Elle sera diffusée, le 19 avril 1974.
Le 23 juillet, les quatre Londoniens s'embarquent pour leur seconde tournée américaine de l'année, principalement, en première partie de Rory Gallagher. Cette fois-ci, le tour est bien défini. Il débute, néanmoins, avec un concert au Civic Auditorium de Santa Monica, en tête d'affiche. La réaction, excellente, du public est de bonne augure pour la suite ! Le 28 juillet, au Coliseum de San Diego, Status Quo assure la première partie de Robin Trower avant de parcourir les routes avec Gallagher pour treize dates entrecoupées de quelques concerts, en tête d'affiche, dans de petites salles. Le groupe donne le meilleur de lui-même, se surpassant à chaque représentation pour le plus grand plaisir d'un public conquis (le bootleg du concert de Toronto en est le parfait témoignage) ! Hélas, à nouveau, l'absence de support radio ne permet pas aux disques de s'écouler en quantité raisonnable. Pourtant, cette tournée ne fut pas vaine permettant à l'album 'Quo' de frétiller à l'entrée du Billboard (n°201, le 14 septembre). Une certaine évolution favorable semble naître et le succès semble être tout proche, au coin de la rue ! Le prochain tour enfoncera le clou, le groupe en est certain !
Au début de l'année 1975, Alan Lancaster déclare au journal 'Rock & Folk' que la dernière tournée U.S fut super et que le groupe en tira beaucoup d'enseignements. Ils pourront s'appuyer la-dessus. C'est dans cet esprit que l'Atlantique est traversé, pour la troisième fois, au mois de mars 1975. La formation croie, réellement à sa chance, cette fois-ci. Plusieurs facteurs positifs sont présents. Tout d'abord, Colin Johnson vient de négocier un nouveau contrat discographique avec Capitol qui occupe une place prépondérante sur le marché U.S et a en charge quelques gros noms de la pop music tels que David Bowie, les Beach Boys ou encore les Pink Floyd. Quelques semaines auparavant, Led Zeppelin a enregistré, lors de sa tournée U.S, des chiffres laissant rêveurs. Le groupe a joué devant plus de 700.000 personnes et empoché 5 millions de dollars ... Pourquoi, Status Quo, à force de matraquage ne réaliserait-il pas une telle performance ? Les tours précédents ont démontré l'aval du public américain, lors des concerts. Seules les ventes de disques étaient faibles ! Or, entre-temps, 'On the level' et surtout 'Down down' ont été n°1 en Angleterre ! Capitol peut s'appuyer sur ce triomphe pour mener, à bien, sa campagne promotionnelle ! Cette fois-ci, Status Quo va jouer, pendant plus de quatre semaines, avec du gros calibre, Lynyrd Skynyrd, Blue Oyster Cult, Ted Nugent, Rush et Kiss. Pour se roder, le groupe donne le premier concert de la tournée au Roxy théâtre de Northampton (devant 500 personnes) avant de s'embarquer avec Lynyrd Skynyrd pour 5 dates (27/03 au 07/04). Ce premier jet de dates est, à nouveau, un réel succès. Status Quo recueille les faveurs d'un public qui découvre cet inconnu groupe britannique. Du 11 au 30 avril, Status Quo partage l 'affiche avec tantôt Kiss, tantôt ZZ Top ou encore Blue Oyster Cult. A nouveau, les retombées scéniques sont positives mais, malheureusement, les radios américaines refusent de passer sur leurs ondes 'Down down' qu'elles jugent trop puissant, trop brut ! 'On nous a dit que notre musique était trop présomptueuse pour passer sur les stations U.S' précise Rossi. Le groupe enregistre, donc, une nouvelle déception en matière de vente de disques mais peut être fier de ses prestations scéniques. Les quatre Anglais le savent, ils faut tourner, inlassablement, pour conquérir ce vaste territoire. Mais, ils savent aussi qu'ils ont besoin d'un support radio qui, actuellement, leur fait cruellement défaut ! Une nouvelle tournée est prévue démarrer deux mois plus tard !
Management et groupe s'interrogent sur les échecs à répétitions des précédents tours et décident de financer eux-mêmes la tournée de 1976, ceci afin d'avoir accès aux plus grandes salles du pays. Le coût va s'avérer gigantesque mais c'est le seul moyen que chacun semble reconnaître. Conjointement, le magazine 'Billboard' ne consacre pas moins de quinze pages au groupe dans son numéro du 3 avril et les présente comme : One of the world's great rock'n'roll band'! Une superbe promotion lue par plusieurs milliers d'Américains ! Tout semble en place pour une belle et grande tournée ! Les premières parties de Wishbone Ash, de Robin Trower et Foghat se conjuguent avec quelques représentations en tête d'affiche. La tournée est annoncée comme devant durer du 30 mars au 30 mai, deux mois pleins devant permettre de visiter les moindres recoins du récalcitrant pays. Status Quo espère enfin séduire le marché américain, d'autant plus que le groupe est demandé pour servir de première partie, également, à Aérosmith et Peter Frampton dont l'album live 'Frampton comes alive' frôle les 10 millions d'exemplaires vendus (Il s'en vendra, finalement, plus de 16 millions devenant le live le plus vendu de tous les temps). A Oakland, le 25 avril, Status Quo est invité par le célèbre producteur américain, Bill Graham, pour jouer en première partie de l'ex-chanteur des Herd, dans le cadre des célèbres concerts 'Days on the green' créés trois ans plus tôt. L'affiche comptant aussi, Fleetwood Mac et Gary Wright, est superbe et doit pouvoir permettre au Quo de tirer son épingle du jeu ! Le groupe joue devant 70.000 personnes mais seulement quarante-cinq minutes juste avant midi. C'est trop peu et à une heure mal choisie pour donner une véritable sensation. Et puis, Quo n'aime pas jouer dans des stades aussi grands, il aime sentir son public à portée de main comme l'explique Parfitt : 'On a joué ce concert devant 70.000 personnes mais c'était vraiment disproportionné. C'était gigantesque, ces gens à des kilomètres de toi, partout ! Nous on aime sentir le public, qu'il y ait un contact avec le groupe, ne faire qu'un en quelque sorte !'.
Entre-temps, Status Quo joue, pratiquement, soir après soir mais devant le peu de succès rencontré décide d'arrêter de financer une tournée vouée à l'échec et le dernier concert de la tournée se déroule le 8 mai à l'Ice Arena de Chicago, en tête d'affiche. Le tour est amputé de trois semaines. Grossière erreur de timing, Capitol décide de sortir l'album 'Blue for you' renommé simplement 'Status Quo', le 15 mai, pour le marché américain, accompagné d'une petite campagne promotionnelle. Malheureusement, encore une fois, Status Quo ne peut compter sur un quelconque support radio et surtout, le groupe n'est plus sur le territoire pour le promouvoir. Pourtant, un léger frétillement se fait sentir. L'album entre finalement dans le classement des ventes, le 17 avril à la 190ième place mais n'atteint péniblement qu'une modeste 148ième place au Bilboard, le 15 mai. Ce sera néanmoins le seul album de Quo classé aux Etats-Unis ('Quo' échouera de peu puisqu'il sera n°201, en septembre 1974). Il y restera 7 semaines (17/04 au 29/05/1976).
En 1977, Capitol continue son forcing en éditant le single 'Wild side of life' et les albums 'Status Quo live' et 'Rocking all over the world'. Le groupe a conscience que le son brut de ses albums ne se prête pas à ce marché difficile. Après avoir envisagé un moment retravailler avec Roger Glover, le groupe projette de se faire produire par un producteur américain. Ce sera finalement Pip Williams, qui sera engagé pour 'cracker' le marché américain. Hélas, à nouveau ce sont des échecs. La stratégie de Capitol peut être, à nouveau, contestée. En effet, le single 'Rocking all over the world' écrit par John Fogerty et produit pour le marché US ne sera pas édité aux Etas-Unis ! Pourtant, dans son numéro du 21 janvier 1978, le magazine Billboard délivre une critique plutôt positive de l'album : 'Le groupe anglais Status Quo a utilisé 'Rockin' all over the world' de Fogerty. Cependant la version de Status Quo est assez éloignée de celle de Fogerty avec des riffs plus puissants et plus accrocheurs. Le reste du matériel est principalement catalogué hard rock ce qui parvient à maintenir l'élan. Le chant peut s'apparenter à celui de Steven Tyler d'Aerosmith mais ne considérez pas rapidement ce groupe comme une copie car il y a quelque chose qui se démarque. ce sont les décibels !' Etonnant ! Las de se heurter perpétuellement au marché américain, Status Quo et son management réfléchissent à ce qui pourrait inverser la tendance. La dernière tournée de l'année précédente fut un véritable gouffre financier pour le management du groupe. 'Il n'est pas question pour nous de gaspiller l'argent que nous avons tant de mal à gagner, en Europe. Le succès que nous avons en Europe nous suffit amplement' ' précise Rossi. Status Quo décide, alors, de ne plus tourner aux Etats-Unis ! Au mois de mai 1978, le contrat qui lie Status Quo à Capitol arrive à terme et n'est pas renouvelé. On s'en serait douté ! Colin Johnson se voit dans l'obligation de chercher une autre maison d'édition, mission ardue vue le peu de popularité du groupe au pays de l'oncle Sam. En effet, Capitol a sorti seulement quatre albums aux Etats-Unis, 'On the level', 'Blue for you' ,'Status Quo live', et 'Rocking all over the world' lesquels ont sombré corps et âme ! Sans maison de disques, le sort du groupe semble définitivement scellé.
En 1978, Francis Rossi confie au magazine français 'Musique Magazine sa position par rapport à la conquête des Etats-Unis : 'Je pense que nous aurons les Etats-Unis comme nous avons conquis l'Europe. C'est à dire que nous ne sommes jamais passés en radio, le succès est venu grâce à nos concerts. Aux States, comme vous le savez, c'est tellement grand ! Tourner là-bas nous demandait beaucoup de temps et d'argent. Nous allions donc perdre notre temps et notre argent en promotion pour, en fin de compte, n'obtenir rien du tout. Nous en sommes venus à la conclusion qu'il fallait arrêter celà. Nous tenterons, peut-être quelque chose plus tard, de différent. Et puis Ritchie et moi n'aimons pas les USA. Nous ne sommes pas vraiment tentés'. Pourtant, Colin Johnson, qui aimerait voir son groupe, enfin émerger aux Etats-Unis négocie un nouveau contrat de trois ans avec le label Riva Records, lequel a été fondé par le manager de Rod Stewart. Au milieu du mois de mai, Johnson part donc aux Etats-Unis en compagnie de Francis Rossi, Rick Parfitt et Andy Bown pour remixer l'album " Whatever you want " qui se rebaptisera " Now hear this " pour le marché américain. C'est au cours de ce séjour que les membres sont pris à partis par une manifestation d'étudiants noirs à Miami. 'C'était comme dans un film d'horreur. Ils ont entouré la voiture, tapé dedans et essayé de casser les vitres. La seule chose qui nous ait sauvé la vie est la Cadillac grâce à sa solidité.' souligne Rossi. Lancaster et Coghlan ne se sentant pas concernés par ce projet, Parfitt et Rossi, une fois de plus, assurent seuls la promotion du groupe. Au mois de juillet, le single 'Living on an island' sort aux Etats-Unis suivi par 'Now hear this', le mois suivant. 'Living on an island', aux résonances, mi country mi ballade, avec guitares sèches en avant façon Eagles, semble taillé pour rencontrer un certain succès outre atlantique. Tout le monde y croit, du groupe, au management en passant par la maison de disques d'autant plus que l'ensemble de l'album a été rémixé au Critéria studio de Miami avec un son plus en rapport avec ce qu'aiment les Américains. Malheureusement, une fois de plus, les radios ne répondant pas présentes, ('Living on an island' et 'Whatever you want' ne sont que, sommairement, diffusées sur la côte ouest) ces productions sombrent corps et âmes. Pour les States, les années 80 ne s'annoncent guère meilleures que les années 70. 'On a eu une attitude totalement nulle par rapport aux Etats-Unis. Et puis, on a souffert de problèmes de marketing, de management ... On a négligé plein d'aspects' explique Rossi. Petit à petit, le groupe prend conscience de son incapcité à apprivoiser le marché américain et en abandonne la conquête. En 1977, aucune tournée ne fut organisée la-bas. Mais, Status Quo pensait que 'Rocking all over the world' aurait pû lui donner un billet d'entrée. Maintenant, c'est terminé. Certains avancent des explications qui, sauf d'être parfaites, ont le mérite de poser quelques hypothèses plausibles. Tout d'abord, la musique de Status Quo semble trop ambigûe pour être cataloguée dans telles ou telles familles. Trop hard pour être pop, pas assez pour y être classé dans cette catégorie. Or les Américains aiment que chaque chose soit à sa place. Enfin, aux Etats-Unis, on aime les guitares-héros et Rossi n'en est pas un. Il est également évoqué que les textes sans valeur de Quo n'ont pas séduit le public américain qui aime semble t-il disséquer plus les paroles. Et puis, erreur fatale, le management refusera l'apport d'un manager américain dans la conquête de ce difficile territoire. L'affuté Bob Young avait, pourtant évoqué cette possiblité refusée en bloc par Colin Johnson. Un manager américain, connaissant les moindres recoins de pays et ayant des entrées dans les radions US aurait, pourtant, fortement amélioré cette situation compliquée. Seulement, Johnson n'était pas prêt à abandonner une partie des royalties ! Dommage ! ' Nous avions besoin de quelqu'un sur le terrain, quelqu'un qui connaissait le territoire. Travailler avec des producteurs américains aurait été bon pour nous. Il est très difficile de comprendre pourquoi Status Quo a échoué dans sa conquête des Etats-Unis. Lorsque tu tournes avec ZZ Top et Lynyrd Skynyrd et que tu reçois ces fantastiques réactions partout où tu joues, ça n'a pas de sens. C'était difficile d'avoir du succès alors que rien n'était fait pour vendre nos disques'. souligne Bob Young. Courant jusqu'en 1983, le contrat signé avec Riva Records est un échec pour les deux parties et aucune autre parution ne verra le jour. Dans les années 80, seul Rick Parfitt évoquera, à nouveau, les Etats-Unis. Mercury publiera, en 1989, une compilation appelée simplement 'Status Quo'. La formation londonnienne y retournera en 1997 (pour deux représentations à Los Angelès et New-York) et en 2003 (6 dates). Ces concerts se dérouleront dans de petites salles et, en aucun cas, ils n'inverseront la tendance ! Status Quo, malgré toutes ses qualités scéniques n'aura jamais réussi à conquérir le marché le plus lucratif du monde. 'Nous avions une relation à la fois d'amour et de détestation vis à vis des Etats-Unis parce que nous étions énormes en Europe nous pensions que nous n'avions pas besoin d'essayer si dur aux USA. C'est vraiment bizarre, là-bas. A certaines endroits, tu es tête d'affiche et à d'autres, tu es ignoré. Les Américains étaient, pourtant, bien disposés envers les groupes anglais et, finalement, nous avons commencé à nous détendre et nous relaxer la-bas. Je crois que nous aurions dû nous relocaliser, nous mettre en place et essayer, vraiment, de nous y établir' analyse, à nouveau Young.