Le split avec Lancaster


sur scène avec Francis (Reading 1972)
sur scène avec Francis (Reading 1972)

Fondateur du groupe avec Francis Rossi, en 1962, Alan Lancaster est le bassiste du groupe et certainement le plus 'rocker' des quatre membres qui composent la formation. L'amitié qui lie les deux adolescents est très forte et Francis passe la majeure partie de son temps libre chez les parents d'Alan. Il est néanmoins stupéfait par la façon de s'exprimer de la famille Lancaster. 'Ils m'appelaient par mon nom. Pas par mon prénom' se souvient Francis. Cet aspect un peu frustre de l'éducation d'Alan peut expliquer son caractère quelque peu difficile à maîtriser. Mais, pour le moment, les deux s'entendent comme larrons en foire loin de savoir qu'ils vont se déchirer vingt ans plus tard. Pourtant, dès 1965 et leur rencontre au Butlin's, Rick Parfitt et Francis Rossi se découvrent une complicité unique laissant les autres, quelque peu à l'écart. 'Il y avait beaucoup de similitudes entre Rick et moi. C'était la seule personne qui riait des mêmes choses que moi' avoue Francis. Les deux jeunes gens se séparent finalement pour se retrouver deux ans plus tard. L'amitié profonde qui unissait Francis et Alan vient de s'enrichir de ce troisième larron, définitivement fin 1967. Alan affirme que, pendant les premiers mois, en concert, la guitare de Parfitt ne sera pas branchée ou alors sur un ampli baissé au maximum, tellement il jouait mal. C'est ce même Parfitt qui présente, quelques mois plus tard, sa petite amie, Patti, au reste du groupe. Ce fait, pourtant anodin, déclencha une violente dispute entre Rick et Alan, ce dernier s'étant récemment marié à une fille appelée Pat. 'Ma femme s'appelle Pat également, nous devons faire quelque chose à ce sujet. D'ailleurs, j'ai pensé changer le surnom de ma femme en Patty, c'est mieux.' s'exclame alors Alan. 'Non, il n'en est pas question, ta femme s'appelle Pat et la mienne Patty'. réplique alors Rick. Alan conclura cette altercation avec un cinglant : 'Allez casses-toi et fout moi la paix. Pat est ma femme alors que toi tu viens juste de rencontrer cette fille. Cependant, elle est jolie.' En 1969, devant le peu de succès rencontré par le groupe, Alan propose à Rossi, Coghlan, Parfitt et Lynes de jouer du rock musclé typé boogie. Les deux guitaristes, peu enclins à cette époque, de se 'heavyser' façon Lancaster, pensent abandonner leurs bassistes et batteurs afin de fonder un groupe avec Kenny Jones, alors batteur des Small Faces. 'Nous avions des problèmes avec Alan Lancaster et avons parlé avec notre management de son renvoi. Il était chiant car il fallait toujours faire comme lui le voulait.' confie Rick au magazine Mojo en 2001. 'Quand Rick a rejoint le groupe, il jouait si mal que sa guitare ne fut pas branchée pendant les six premiers mois. Quant à Francis, il était incapable de jouer une seule note de lead guitare alors forcément, ils se sont liés'. Lancaster, par cette allocution, n'y va pas de main morte. De plus, Bob Young, le nouveau tour manager et matière grise du groupe, forme un cercle d'amis relativement fermé avec Francis et Rick. Lancaster assiste à cette relative mise à l'écart et ses mouvements d'humeur n'ont d'égaux que sa déception et sa désillusion. A peine sorti d'un anonymat récurent les dénommés Status Quo risquent d'éclater. Il s'agit là du premier conflit grave entre Lancaster et le duo Parfitt-Rossi, désaccords qui iront crescendo au fil des ans.


sur scène en 1973
sur scène en 1973

Pourtant, dès 1970, le groupe entier adopte le boogie-rock en douze mesures qui fera sa popularité. Alan est alors le bassiste approprié à ce style de musique et devient un membre influent du combo en participant assidûment à l'écriture des titres (2 sur 'Piledriver', 3 sur 'Hello', 6 sur 'Quo', 2 sur 'On the level' et 4 sur 'Blue for you'). Cette équité dans l'élaboration des albums semble dégager une unité et une solidarité uniques. Les quatre musiciens semblent unis dans cette ascension vers la gloire. 'Pourtant, dès 1975 et l'album 'On the level', quelques mouvements et paroles d'humeurs voient le jour. Alan ne se cache pas d'affirmer que Status Quo semble suivre une voie qui ne lui convient guère. ''On the level' est l'album que j'aime le moins' déclare Alan dans le Best de décembre 1975 et dans le Rock'n'folk de mars 1975, Rossi déclare 'Ils savent trop qui est le boss, ici', paroles auxquelles Lancaster répond de la manière suivante : « Le boss, c'est moi, mais ne l'imprimez pas, Rossi en ferait une jaunisse. » Plaisanterie ou réalité grandissante de conflits d'égo, difficile de prendre part pour telle ou telle hypothèse mais ce qui est sûr c'est qu'Alan est de plus en plus perturbé par le statut de leader que les fans et la presse donnent à Francis. 'Il se croyait parfait, séduisant, çà devenait impossible de discuter avec lui. S'il se plantait sur scène, ce n'était jamais de sa faute mais toujours de celle des autres. La seule chose qui l'emmerdait était sa petite taille mais il fallait mieux éviter de lui en parler sinon vous auriez pu finir sans dents'. expliquent Rick et Francis. D'une impulsivité incontrôlable, Lancaster est à l'origine de la rébellion de l'aéroport de Vienne en 1976. Il écopera de 1.600 £ d'amende soit le double de celles attribuées à Rossi et Parfitt. Un fait anecdotique révélé par le manager de l'époque, Colin Johnson, démontre le caractère difficile du bassiste. Une bagarre éclata, un jour, entre Lancaster et Parfitt pour une sombre histoire de vitesse d'avion dans lequel ils se trouvaient. Puis, petit à petit, des tensions concernant les morceaux à publier sur les albums voient le jour, chacun voulant imposer ses titres pour des raisons de droits d'auteur. Mais, c'est en 1977 que s'entame la rupture entre Alan et Francis et Rick. Nous allons suivre ensemble cette longue descente aux enfers qui aboutira par la séparation en 1985.


Alan et Francis en studio (1974)
Alan et Francis en studio (1974)

Mais revenons à 1977 où Quo pense à publier son 11ième album. Le groupe veut encore améliorer le son et seuls Rick et Francis rencontrent Pip Williams qui accepte de produire le groupe. Le 11 novembre voit la sortie de 'Rocking all over the world'. Il n'est pas du goût d'Alan qui ne se prive pas de le démonter ainsi que Pip Williams, le nouveau producteur qu'il accuse de travailler uniquement avec Francis sans se soucier de l'avis des autres. Lors d'une interview donné en 1997, il déclare : « Lors de l'enregistrement de 'Rocking all over the world', ma femme était présente et faisait tous les jours, la cuisine pour le groupe entier et il n'y a même pas eu un mot de remerciement sur la pochette. » Ces paroles, bien que tardives démontrent l'état d'esprit d'Alan pendant cette période, où, pour couronner le tout, il émigre (à mi-temps) en Australie. Inutile de préciser que cet éloignement de l'Angleterre a des répercussions sur la participation du bassiste à la promotion du groupe. 'Je fut désappointé parce qu'a pû dire Alan, récemment, clamant haut et fort que tout le groupe était insatisfait par mes méthodes de travail. Comme John Eden l'a confirmé, personne ne montrait aucun signe de mécontentement par ce que je faisais. Ils ont fait les mêmes critiques que j'ai pu faire sur les albums que j'ai produit. Je ne me tenais pas derrière eux avec un revolver placé sur leur tête à dire : 'Faîtes ça ! Ce doit être comme ça !'. Tout s'est fait avec leur totale approbation'. Se défend, pourtant Pip Williams.


1976
1976
Francis et Alan se tournent déjà le dos ?
Francis et Alan se tournent déjà le dos ?

Ceci se confirme, le 19 novembre 1977, lorsque Status Quo interprète le single 'Rocking all over the world' à Top of the Pops sans Lancaster. Pour le remplacer, un subterfuge est trouvé en la personne d'une marionnette à son effigie manipulée par Colin Johnson. La raison de cette absence est expliquée par le fait qu'Alan est effectivement en Australie et prépare son mariage. 'Alan Lancaster pensait que c'était une connerie d'enregistrer 'Rocking all over the world'. Dès 1977, il a commencé à s'exiler en Australie et n'était plus aussi souvent présent avec le groupe. Lorsque nous avons enregistré le clip de ce titre pour Top of the Pops, nous savions que les fans mentionneraient l'absence d'Alan voilà pourquoi il a été confectionné cette marionnette.' explique Francis. Il est exact qu'à partir de cette période, Lancaster se préoccupe moins de la vie du groupe et compose en solitaire. Il ne participe plus qu'aux tournées et aux enregistrements et dès ces tâches terminées, il retourne en Australie où il part vivre définitivement en septembre 1979. 'Il est parti comme une éclair. Ca n'a pas rendu la vie facile au sein du groupe. Ca a été probablement le début de la fin.» affirme Parfitt au magazine Mojo, en 2001. La version de Lancaster est quelque peu différente et il déclare au même magazine : 'Ce temps d'arrêt est insignifiant. J'étais toujours concerné par les enregistrements, les tournées, les promotions. Non, en fait, le fait que je sois parti en Australie a eu pour effet que la viande qui se trouvait entre les tranches du sandwich Rossi-Parfitt n'était plus là et leur relation allait de plus en plus mal. Alors, je servais de bouc émissaire. » Plus tard, Rick et Francis confirmeront que leur relation, à cette époque, n'était pas au beau fixe mais que c'était pire avec Lancaster. Néanmoins, Alan se déclare satisfait des sessions de 'Whatever you want' même si il est très affecté lorsque Vertigo refuse de faire paraître sur l'album le titre 'Bad Company', qu'il a composé. Il se sent alors relégué au second plan par le management et la maison de disques du groupe. 


'12 gold bars', disque de platine, à l'origine d'un mécontentement d'Alan
'12 gold bars', disque de platine, à l'origine d'un mécontentement d'Alan

De plus, dès 1973, il est évident que les personnages centraux du groupe, ceux sur qui se ruent fans et journalistes, sont devenus Rick et Francis. Il est assez fréquent de voir, dans les halls d'hôtel ou salles de presse, les journalistes interviewer Parfitt ou Rossi alors que Lancaster se trouve isolé dans un coin à attendre une hypothétique rencontre avec un reporter. 'Alan devenait nerveux car les gens reconnaissaient plus facilement Francis et moi. Il n'a pas aimé que je compose et interprète quelques gros hits comme 'Whatever you want', ' Rain' ou encore 'Living on an island', chose que lui aurait aimé faire. Ce n'étaient, en aucun cas des choix personnels mais plutôt des choix commerciaux mais Alan ressentait ça comme une terrible injustice' souligne Parfitt. En 1980, il n'accompagne pas Rossi et Parfitt aux Etats-Unis pour négocier le nouveau contrat de distribution d'albums avec Riva Records. Le groupe connu même deux véritables "Waterloo". A la fin des années 70, après un concert loupé à Ulm, Alan et Francis en sont même venu aux mains dans les loges se battant à coup de chaises. Quelques années plus tard, à Stockholm, c'est carrément sur scène que Francis donna un coup de poing à Alan en pleine figure, le groupe se faisant hué par les fans. En 1980, Vertigo décide de publier la première compilation de Status Quo, regroupant les plus grands hits du groupe. Colin Johnson affirme alors que le premier titre qui doit figurer sur l'album est 'Rocking all over the world'. Alan Lancaster est hostile à cette idée et menace de virer Johnson du management du groupe. Aussitôt, ce dernier prévient Parfitt et cette affaire se régla rapidement.  De plus, les enregistrements conjoints de 'Just supposin' et 'Never too late' se déroulent dans des conditions d'entente exécrable, l'ingénieur du son, John Eden, ayant beaucoup de difficultés à canaliser les esprits, les désaccords et dissensions voyant jour très rapidement. Lancaster affirme alors que 'Never too late' est en fait constitué de titres que Rossi et Parfitt avaient écrit pensant les publier en solo mais rejetés par Phonogram. Il regrette l'époque des 'Dog of two head', 'Piledriver' et autres 'Hello' et 'Quo'. Pendant la tournée concomitante, il se distingue à Rome en saisissant sa basse et en frappant un photographe situé devant la scène alors que le groupe est pris à parti par un groupe violent présent dans la salle. En 1982, autre fait démontrant le caractère turbulent du bassiste. A l'hôtel Carlton de Bournemouth, alors que le groupe attend une voiture avec chauffeur pour l'emmener donner son prochain concert, Alan, ressentant une légère faim, commande un plat de langoustines qu'on lui amène rapidement. Regardant le plat, il affirme que ce sont des crevettes ce que le maître d'hôtel dément formellement. Devant l'insistance de ce dernier, Lancaster empoigne le plat et le jette sur le mur et au travers du corridor. Cette même année, le départ de Coghlan isole encore un peu plus Alan, bien qu'il semblait, comme les autres, comploter avec le management du groupe pour le faire partir, l'attitude de John devenant incontrôlable, le groupe ne pouvant plus travailler. Cependant, il tient à lui rendre hommage. 'John participait immensément à l'arrangement des morceaux. Son nom aurait pu être plus régulièrement cité en tant que co-auteur'. Les titres qu'il compose sont difficilement admis par Rick et Francis. Ces deux derniers lui reprochent, de plus en plus fréquemment, son manque de participation à la promotion du groupe et sentent que le succès de Status Quo repose sur leurs seules épaules ce à quoi Alan répond en prétextant son éloignement géographique. Status Quo fête son 20ième anniversaire d'une manière laborieuse, le groupe semble fatigué et sans âme et son jeu scénique est moins percutant. C'est à cette époque que l'impérieux bassiste semble s'intéresser à l'aspect financier du groupe et tend à devenir l'âme pensante du groupe. 'Au début des années 80, Alan nous a parlé de nos finances et il pensait que nous étions volés. Je ne pouvais pas le croire. Je savais que certains groupes étaient arnaqués mais je ne m'imaginais pas que nous étions dans le même cas'. précise Francis. Cet état des choses provoque une aggravation dans les relations internes car Parfitt et Rossi pensent plus à la musique qu'aux affaires alors qu'Alan s'offusque de ne pas voir ses deux amis se ranger à ses côtés pour savoir où peut passer cet argent durement gagné.


1983 (le torchon brûle entre Francis et Alan)
1983 (le torchon brûle entre Francis et Alan)

En 1983, Status Quo se retrouve à Montserrat pour enregistrer le futur album. Espérant se ressourcer et se retrouver, le groupe entier est heureux de travailler dans ce lieu paradisiaque. Mais, les 'coups de gueule' réapparaissent rapidement. Partis avec de bonnes intentions, les membres de Quo se laissent vite attirer par les faveurs de cette île. De travail, il n'existe que le mot car peu de morceaux sont mis en boîte lorsque Status Quo rentre en Angleterre et devant la colère de Vertigo, les cinq rockers se voient dans l'obligation de besogner d'arrache-pied pour livrer le 33 tours dans les temps. Alan ne participe pas au mixage accusant par la suite Francis de l'avoir réalisé seul et la maison de disques préfère publier 'Ol Rag Blue' avec Rossi au chant plutôt que la version chantée par Lancaster. Premier désaccord. 'J'ai vraiment poussé pour que 'Ol Rag Blues' sorte en single mais Alan me combattait sur toute la ligne parce qu'il voulait chanter sur ce titre. Je me suis dit : Tu peux me combattre mais si tu le fais, la maison de disques ne voudra pas le sortir en single. J'ai fait ce qu'il y avait de mieux pour ce titre.' explique Francis. 'Alors que je venais de convaincre la compagnie de disques que ce titre pourrait être un hit, Alan annonça qu'il voulait également le chanter. Il était indigné lorsque je lui ai dit que Phonogram ne le voyait pas comme un chanteur, que ce n'était pas ma faute, que c'était comme ça, c'est tout. Deux versions ont donc été enregistrées, une chantée par Alan, l'autre par moi. Nous avons laissé le choix à Brian Shepperd de choisir celle qu'il désirait sortir en single. C'était ridicule. Deux mixages ont été réalisés. La première version, celle d'Alan, a été faite au Air studio de Londres et a coûté une petite fortune. La seconde, la mienne, a été faite dans un studio bon marché appelé The Factory. Pour Alan, la logique était simple. Rossi chante des singles, Parfitt chante des singles, alors lui aussi devrait chanter des singles. Il n'est pas nécessaire de dire quelle version Sheperd a choisi, la plus commerciale comme j'ai essayé de l'expliquer à Alan. Même, le fait que le titre soit entré au top 10 n'a pas suffit à l'apaiser'. Cette querelle n'aurait pas eu lieu, en 1974, lorsque le groupe, à l'unanimité, voulait voir sortir en single, 'Backwater', pourtant chantée par Lancaster. La seconde querelle intervient lorsque Rossi veut enregistrer le titre 'Marguerita time'. Alan s'y oppose en déclarant 'Hé, je suis un rocker ! Je ne vais pas jouer cette merde !' 'Au moment d'enregistrer 'Marguerita time', Alan a dit : Ah, oui, nous devons faire ton truc, là, bon alors vite maintenant ! Il a joué de la basse d'une manière cool exactement comme je le voulais !' relate Francis. Finalement, contre son gré, Lancaster joue sur le titre mais informe le management et les autres membres du groupe qu'il est hors de question, pour lui, de se ridiculiser en interprétant ce titre à la télévision dans une quelconque promotion (il consent, néanmoins à enregistrer le titre une fois pour Top of Pops). 'Alan me rendait fou avec sa résistance de voir le groupe évoluer musicalement. Il détestait me voir arriver avec une chanson qui ne sonnait pas véritablement comme du Status Quo et ça arrivait de plus en plus souvent. Concernant 'Marguerita time', je note, quand même, qu'il n'a pas eu de problèmes pour empocher sa part de fric sur les importantes ventes'. Au mois d'octobre 1983, Alan repart en Australie en indiquant aux autres qu'il ne pourra pas participer à la promotion du groupe, en fin d'année, sa femme Dayle devant donner naissance à leur fils, David. Il met en garde le management de Quo lorsqu'il déclare qu'il interdit toute promotion sans lui.


En octobre, alors que Mme Lancaster est sur le point d' accoucher à l'hôpital de Sidney, Alan reçoit un appel téléphonique du management lui demandant de revenir rapidement en Angleterre, la formation étant sur le point de tourner le clip de 'A mess of blues'. Bien évidemment, le bassiste refuse catégoriquement. 'Ils savaient depuis six mois que j'étais très anxieux pour Dayle et que je voulais être à ses côtés pour la naissance de David. Et bien ils ont, quand même, entrepris de tourner la vidéo sans moi et l'ont montré. Ils ont ruiné ce qui aurait dû être un des plus beaux jours de ma vie' déclare t-il à la presse anglaise en mars 1984. Alan attend une réaction hostile des fans concernant 'Marguerita time'. Hélas pour lui, c'est tout l'inverse qui se produit. 'Près de 400.000 exemplaires se sont écoulés à travers l'Angleterre. Quand je réalise quelque chose comme 'Break the rules', par exemple, je peux en être fier. Mais, là avec 'Marguerita time', je m'attendais vraiment à ce que chacun lui tourne le dos en disant 'Hey, mais c'est quoi ça ?'. Mais quand ça s'est vendu, j'avoue que je n'avais plus de jambes. C'était comme si le marché avait changé et que je devenais démodé'. Le clip vidéo du titre est également tourné sans lui et Status Quo interprète ce titre, à Top of the Pops, en décembre avec le bassiste de Slade, Jimmy Lea, en lieu et place d'Alan. S'en est trop et ce dernier contacte son avocat afin qu'il prenne toutes les dispositions pour faire arrêter le groupe de tourner sans lui. Une injonction est rapidement prononcée et Status Quo se voit dans l'obligation d'annuler les divers projets promotionnels, Lancaster ayant des droits sur le nom. 'J'ai demandé à mon avocat d'être très ferme avec la maison de disques et de leur faire savoir que je défendais aux autres d'apparaître sans moi. Ils ne peuvent plus dorénavant se produire sans moi à moins que je ne leur donne la permission, c'est aussi simple que çà. S'ils recommencent, je casserai le groupe car il est évident que nous ne pourrions plus avoir confiance les uns envers les autres. Mais, je ne pense pas que çà arrivera encore. Cependant, je ne crois pas que ce soit les autres membres du groupe qui sont à blâmer mais plutôt notre management. Nous étions biens ensemble, de vrais copains, vécus de vraies rigolades mais depuis un certain temps, toute cette magie a disparu. Cependant, en dépit de tout çà, je ne désire pas quitter le groupe dans lequel j'ai tant investi depuis des années. Status Quo, c'est Rick, Francis et moi et si l'un de nous trois partait alors le groupe cesserait d'exister. ». Ces propos d'Alan recueilli par la presse anglaise en mars 1984 mettent au grand jour la dissension qui existe au sein du groupe.


End of the road (Les sourires ne sont que de façade !)
End of the road (Les sourires ne sont que de façade !)

Fatigués les uns des autres, Status Quo annonce la tournée 'End of the Road' qui semble un véritable fardeau pour le groupe. Alan et Francis ne s'adressent plus la parole et s'évitent soigneusement sur scène. Les cinq musiciens voyagent dans des voitures différentes, fait marquant d'une amitié disparue. En mai 1984, Alan confie à un magazine suédois qu'il produira, en solo, un style 'heavy' éloigné du style de Rossi qui produira une musique semblable au dernier simple du groupe, 'Marguerita time'. Il affiche, ici, publiquement ses différences musicales avec Francis et déclare que Quo perdra toute crédibilité s'il persiste dans cette voie. Quelques jours après, il confie à hard-rock magazine que les membres du groupe s'entendent bien socialement mais qu'il ne faut discuter ni musique ni business. Le 21 juillet, le groupe donne le dernier concert de la tournée au Milton Keynes Bowl. Pendant la tournée, le single 'Goin down town tonight' fait un hit, en Angleterre. Alan déclarera, plus tard, qu'aucun membre de Status Quo ne joue sur ce titre, que c'est Rossi qui l'a enregistré seul, avec des musiciens de studio. En septembre, la formation se retrouve pour mixer la vidéo de 'End of the road et enchaîne sur le tournage du clip du single 'The wanderer'. Lancaster retrace ces moments lors d'une interview donnée en septembre 1994. 'Le 18 septembre, nous nous sommes retrouvés au studio de Woldingham pour mixer le son de la vidéo 'End of the road'. Nous avons alors beaucoup discuté et pris un certain nombre de décisions. Ce fût très positif. Nous étions de nouveau bien ensemble et avons bien travaillé. Le 16 octobre, nous avons enregistré le clip 'The wanderer' et participé au Top of the Pops du 24 octobre. Pendant ce temps, nous avons même commencé à travailler sur le futur album qui, malheureusement, ne verra jamais le jour ». 'Après le 'End of the road' tour, je voulais arrêter, principalement, à cause d'Alan Lancaster. Si nous faisions un concert ou un album qu'il n'aimait pas, il n'aurait pas arrêté. C'était très torturant et s'apparentait à du masochisme pour lui. De plus, il pensait toujours que nous conspirions contre lui. Je ne pouvais plus supporter çà » relate Rossi dans le magazine Mojo (2001).


Live aid (1985)
Live aid (1985)

En 1985, alors que Rick, Francis et Alan préparent leur album solo, Bob Geldof fait appel à Status Quo pour faire l'ouverture du Live Aid, le 13 juillet. Alan est enthousiaste à cette idée et semble, encore une fois, se heurter à Francis qui est réticent à l'idée de se produire à nouveau sur scène. A cette époque, Lancaster habite, quelques temps, chez Parfitt afin de soutenir ce dernier qui est en pleine dépression. C'est même lui qui paie la superbe robe de 400 Livres que portera Patti, l'amie de Rick, à cette occasion. Les deux compères jouent avec John Coghlan, le 9 juillet au Marquee Club de Londres. Après quelques hésitations, Status Quo fait l'ouverture du Live Aid au stade de Wembley. Cependant, il est facile de constater, lors des trois morceaux interprétés, que Francis et Alan n'ont vraiment plus rien en commun. A aucun moment, leur regard ne se croise et le bassiste semble bien à l'écart des deux guitaristes. Cependant, Lancaster continue de s'affirmer comme l'homme d'affaire du groupe et incite les autres à essayer de savoir ce qu'il advient de l'argent. 'Nous avions de l'argent mais certainement pas autant qu'on aurait du en avoir. Alan avait raison mais notre principal intérêt était le groupe' admet Francis. Cependant et malgré le désaccord qui le sépare d'avec Francis, Alan propose aux autres membres du groupe d'émigrer en Australie prétextant le 'confort' fiscal de ce pays. Il met en avant la situation financière du groupe, proche de la banqueroute et affirme que Status Quo devrait enregistrer son futur album dans un studio australien bon marché et sans producteur. Il essuie alors un refus catégorique de la part des deux guitaristes ce qui le rend acariâtre. Francis ne veut plus travailler avec Alan et déclare : 'A ce moment, au paroxysme du point d'ébullition entre nous trois, Alan avait fixé une sorte de constitution. Il signifiait qu'une décision ne pourrait être prise sans l'aval des trois membres principaux que nous étions. Je savais ce que çà signifiait. Si j'avais été d'accord avec çà alors ma position aurait changé. Avec cette constitution, je serais passé du statut de leader et chanteur principal du groupe au statut d'un des trois membres. Pas deux, trois. S'il n'y avait eu que Rick et moi, cela aurait été différent mais lorsque vous avez trois personnes dans une équation comme çà, celà signifie que vous ne pouvez pas péter sans avoir eu une discussion. Que se serait-il passé si Rick et moi avions été d'accord avec un projet et pas Alan ? Ca n'aurait pas fonctionné car je sais qu'Alan était hostile à l'enregistrement de titres lents comme Living on an island ou Dirty water.' Au cœur de tout çà, il y avait une différence dans la direction musicale du groupe. Ce désagrément ne pouvait être résolu qu'avec le départ d'un membre.' Francis avoue qu'il tient à conserver son statut de leader de Quo, position qu'à toujours combattue Alan et ajoute : 'Alan voulait que nous fassions un album bon marché en Australie. Ca ne lui ressemblait pas car il avait toujours été un perfectionniste concernant les enregistrements et je ne comprenais pas pourquoi, il essayait de faire un album pas cher. Néanmoins, je pense qu'il voulait que nous partions en Australie ce qui lui aurait permis de travailler près de chez lui. Il avait également un projet immobilier et il essayait de nous convaincre, Rick et moi, d'investir de grosses sommes d'argent dans une maison de retraite en Australie. Nous avons refusé car je n'étais pas sûr que des musiciens de rock puissent devenir de bons hommes d'affaire. Je savais que si nous marchions sur ce qu'Alan nous proposait, cette constitution citée plus haut et l'enregistrement en Australie, il serait resté dans le groupe et tous les problèmes auraient demeuré. Et je ne savais pas, à l'époque, ce qui se serait passé si j'avais dit à Rick que nous pourrions remonter le groupe sans Alan. Je ne savais pas quelle aurait sa réaction.' Donc, au moment du Live Aid, Alan reste quelque temps en Angleterre chez Rick. Les deux compères pensent, un moment, créer un nouveau groupe car, pour eux, Status Quo semble bel et bien mort. Rick est persuadé que Francis veut entreprendre une carrière solo. Dans la maison de Battersea, le guitariste rythmique et le bassiste de Status Quo réfléchissent, secrètement, au moyen de rebâtir Status Quo sans son leader naturel. Parfitt a besoin d'argent et Lancaster sent qu'il veut repartir avec lui. Cependant, un jour, Alan appelle Francis de chez Rick et lui dit :'Allez ! Francis, reviens bosser avec nous, on a besoin de fric, c'est stupide'. Inutile de préciser le refus catégorique de Rossi. 'Je ne savais pas pourquoi Francis ne voulait plus travailler. L'argent commençait à manquer et Alan me dit, un jour : Francis ne veut plus travailler alors, viens avec moi. Nous allons faire du rock plus heavy. 'Alan proposa à Phonogram de former un groupe appelé Status Quo Mark Two avec moi. Cependant, je l'avais prévenu que ce ne serait sûrement pas bon' expose Rick. Lorsqu'il se présente chez Phonogram pour annoncer son projet, Lancaster est purement et simplement rejeté. Les dirigeants de la maison de disques lui rétorque : Avec Rossi et Parfitt, O.K. Sans Rossi et Parfitt. Pas question ! Après avoir réfléchi à d'éventuels noms pour le groupe, Lancaster regagne l'Australie, ayant la conviction que lui et Parfitt allaient s'unir pour monter un nouveau groupe ... Sans Francis ! 'Quand Alan nous a quitté pour l'aéroport, nous savions que nous ne le verrions plus avant longtemps' avoue Patti Parfitt. Finalement, au mois de septembre, Rossi et Parfitt se contactent afin de mettre sur pied le retour de Status Quo mais Francis est clair. Il ne veut plus de Lancaster dans le groupe et finit par l'avouer à Parfitt. Rick, tiraillé entre le désir de travailler avec Francis et l'amitié qu'il porte à Alan, n'ose pas à avouer à ce dernier que lui et Rossi ont pour projet de faire renaître Status Quo avec une nouvelle section rythmique. 'Je n'avais pas seulement à choisir entre deux amis mais aussi entre deux styles de musique. Bien que j'aime le style heavy, celui d'Alan, je trouvais que l'idée de Francis de faire des musiques plus variées était bonne. J'ai réalisé que le futur était avec lui. Mais il a fallut le dire à Alan. Ca n'a pas été facile.' relate Rick. Et oui ! Car il faut bien le lui dire à ce brave Alan. Rentré en Australie depuis environ deux mois, Lancaster écrit quelques morceaux pensant les enregistrer plus tard avec Parfitt. De plus, il s'affaire, aidé en cela, par son épouse, Dayle, à liquider ses affaires australiennes afin de revenir en Angleterre pour lancer le nouveau groupe. Pourtant, il ne s'étonne pas, outre mesure, de ne plus avoir son ami Rick au téléphone. A chaque appel, c'est le répondeur du blond guitariste qui rentre en contact avec Alan. 'Rick, Rick, qu'est-ce qui se passe, mec ? Rappelle-moi !' Les incessants messages de Lancaster restent pourtant sans réponse. Une incompréhension augmentée d'une certaine crainte s'emparent finalement du bassiste. N'en pouvant plus, Lancaster se décide d'appeler le management du groupe. Au bout du fil, Colin Johnson.

'Hello, Colin, c'est Alan, dis-moi, je n'arrive plus à joindre ni Rick, ni Francis. Sais-tu ce qui se passe ? Il faut pourtant que je leur parle pour la suite du groupe !'

'Je suis vraiment désolé, Alan, mais les gars ne veulent plus travailler avec toi'

Le monde s'écroulait pour le brave Alan. Un silence funèbre entrecoupa soudainement la conversation téléphonique.

'Qu'est ce que tu me dis comme connerie, Colin ?'

'Ils ne veulent plus travailler avec toi, surtout Francis. Alors, Rick n'a pas eu le choix, il est réellement désolé, tu sais.'

'Mais, nous avons pratiquement tout vendu, ici. Nous avons commencé à faire nos bagages et sommes prêts à rentrer en Angleterre.'

'Je suis extrêmement désolé. Il n'y a rien que je puisse faire. Ce n'est plus de ma compétence, maintenant'.

Cette conversation entre Johnson et Lancaster est véridique. La vie d'Alan venait de basculer. Inévitablement, il cherche alors à joindre, à tout prix, Rick. Il n'ose croire au désengagement de son ami. Finalement, après plusieurs hésitations, Parfitt empoigne le téléphone pour répondre à Lancaster. 'Ecoute, Alan, j'ai pesé le pour et le contre et j'ai dû faire un choix. Je serai mieux avec Francis que je le serai avec toi car il est plus populaire, plus connu. Bien que j'aie plus d'amitié envers toi, je vais travailler avec lui car j'ai un besoin énorme d'argent. Je suis vraiment désolé mais je n'ai pas le choix'. Alan ne laissa pas son ami terminer la conversation. Il raccrocha, abattu, profondément blessé. Il vit sa vie se briser et aller au devant de graves problèmes financiers car il avait investit des sommes colossales dans l'immobilier en Australie. Ces sommes, il pouvait se permettre de les investir car ses revenus issus de Status Quo le lui permettaient mais là, subitement, il n'était plus rien, n'avait plus rien, redevenait anonyme. 'Mais Rick et Francis vont revenir sur leur décision' pense t-il. 'ils ne peuvent pas me faire çà. Pas après toutes ces galères que nous avons surmontées. Pas après toute cette amitié, certes, il y a eu des engueulades mais qui n'en a pas ? , Ils ne peuvent pas se séparer de moi après plus de vingt ans passés ensemble ?'. Malheureusement pour Lancaster, les deux guitaristes ne changent pas d'avis. Dayle, la femme d'Alan sombre dans une dépression bien compréhensible de même que son mari de bassiste. A plusieurs milliers de kilomètres de là, Rossi, Parfitt, Bown rejoints par Edwards et Rich entrent en studio. Quatre titres sont enregistrés et soumis à Phonogram.


La nouvelle se répand rapidement jusqu'en Australie et Lancaster saisit immédiatement la justice pour utilisation frauduleuse du nom. L'appellation 'Status Quo' appartient, à parts égales, à Rick, Francis et Alan et le bassiste compte bien faire valoir ses droits ! Le procès qui s'ouvre, début 1986, à la Cour de Londres est effectué dans une ambiance détestable. Tous les désaccords sur les titres, les tournées et les projets sont mis à jour et Lancaster semble d'une agressivité intolérable en ne se privant pas de gratifier ses ex-potes des plus sévères insultes. 'Je ne veux pas de mauvais sentiments entre nous, mais je vous avais prévenu. Vous saviez ce que j'allais faire si vous recommenciez et bien, voilà je suis en train de le faire.' avoue pourtant Lancaster à Rossi et Parfitt au début du procès. 'Il pensait gagner, voilà pourquoi, il ne voulait pas de mauvais sentiments entre nous. Mais il a perdu et il est devenu agressif' déclare Rossi. En effet, malheureusement pour lui, les avocats de Phonogram veulent que Status Quo renaisse avec Rossi et Parfitt et militent en faveur d'une exclusion d'Alan. Ils déclarent également que l'injonction ne profitera à personne, ni à Rossi, ni à Parfitt et ni à Lancaster et que si elle était prononcée, elle provoquerait la fin certaine du groupe. La compagnie de disques offre, alors, à Lancaster la résiliation de son contrat et la libération de tous ses engagements avec Status Quo sans poursuite, ni indemnités ce que, bien sûr, le bassiste de Quo refuse catégoriquement. Finalement, en mars 1986, le tribunal londonien permet aux deux guitaristes de travailler à nouveau sous le nom Status Quo, sans Lancaster. Néanmoins, cette permission n'est que temporaire et la Cour s'attache à trouver un terrain d'entente avec le bassiste déchu. Alan donne, alors, son accord pour vendre à Francis et Rick ses droits sur le nom mais n'abandonne 'officiellement' Status Quo qu'en janvier 1987 alors qu'il rejoint le groupe australien, The Party Boys. 'Le procès menaçait de traîner pendant toute l'année. Nous avions terminé notre album mais ne pouvions pas le sortir. Finalement, Alan eut le bon sens de mettre un terme à ça et, à la fin, donna son accord à la décision de justice. Ce fut désespérant de mettre un terme de cette manière à ce qui fut un stupéfiant partenariat à succès mais je ne voulais plus travailler avec lui. Au lieu d'essayer de régler nos problèmes d'une manière amicale nous avons fini par nous battre. Ironiquement, à la fin, Alan est venu me dire que j'étais l'homme principal de notre groupe. Je lui ai répondu que c'était un peu tard de constater ça, maintenant. Mais il a toujours été comme ça, conforme à notre première rencontre, têtu à son détriment'. regrette Rossi. A l'annonce du jugement, les réactions des deux guitaristes sont, évidemment, joyeuses. 'Status Quo a été préservé' déclare Parfitt alors que Rossi affirme 'C'est la décision la plus censée. Ca nous donne un nouvel enthousiasme. Nous n'allons pas attendre pour notre retour et nous pouvons promettre que la Quo Army ne sera pas désappointée. » De ce procès épuisant pour toutes les parties, Alan n'en tire qu'un bénéfice, celui d'avoir vendu ses parts. Il n'avait pas le choix que d'intenter cette procédure car lorsque sa banque a appris qu'il n'appartenait plus à Status Quo, son attitude vis à vis des crédits concernant le projet immobilier fut complètement changée. Alan voulait rester dans le groupe afin de continuer à avoir de confortables rentrées d'argent pour mener à bien ses divers projets immobiliers. Au moins le fait de vendre ses parts lui aura permis de mener à bien son programme.

Rhino succède donc à Alan, lequel ne sera pas tendre avec son successeur, critiquant son jeu trop 'léger'. Pourtant, Status Quo retrouve la voie du succès dès 1986 en jouant une musique plus 'pop', celle que voulait Rossi, celle que rejetait Lancaster. Néanmoins, le départ ou renvoi, selon certains, de Lancaster marque la fin d'une époque et certains fans abandonneront le groupe. Rhino est conscient de ce fait lorsqu'il déclare, lors d'une interview : 'J'ai été mal accueilli par une partie des fans du groupe. Cependant, je pense que peu importe le remplaçant d'Alan, il aurait été mal accueilli car pour beaucoup de fans du groupe, il était essentiel. C'est vrai que c'est un bassiste exceptionnel ». Malheureusement, depuis 1986, Alan et Francis s'épinglent par presse interposée.

« Le Live Aid fut le déclic, je me suis rendu compte à quel point me manquaient les concerts. Mais il y avait trop de problèmes internes pour pouvoir penser à une éventuelle tournée. Notre bassiste Alan Lancaster ne voulant rien savoir nous traîna même devant les tribunaux. D'un côté il ne voulait plus tourner avec nous, et de l'autre il ne voulait pas que nous tournions sans lui. Mais les premières dates étaient déjà prévues. Le tribunal a quand même reconnu que Rick et moi formions l'essentiel de Status Quo et trancha logiquement en notre faveur. » déclare Francis au magazine Metal Hammer en 1986.

« Ces six ou sept dernières années nous n'éprouvions plus aucun plaisir à jouer sur scène, c'était devenu une vraie corvée et par la même occasion une tromperie envers tous nos fans, du moins c'est comme ça que je le ressentais. Il y avait là, sur scène, cinq types qui se trouvaient à vomir l'un l'autre, donc pas étonnant que chaque tournée était un véritable calvaire. » renchérit-il dans le magazine 'Bravo', toujours en 1986.

Rick, de son côté, est plus mitigé en déclarant au magazine 'Metal Star' : Un jour je parlerai certainement de nouveau à Alan, j'ai entendu qu'il avait formé un nouveau groupe en Australie les "Party Boys", (Rick d'un ton un peu moqueur)"sounds very gay, doesn't it". Je leur souhaite beaucoup de succès et qui sait, un jour on fera leur peut-être leur 1ère partie. » Il réaffirme un certain attachement à Alan en mentionnant, à un journal suédois, en 1986, que l'attitude de Lancaster n'est pas la cause principale du split de 1984 mais que tous les membres du groupe étaient usés et qu'il faut chercher là, la vraie cause de ce coup d'arrêt. Néanmoins, le bassiste et le guitariste mettront deux bonnes années avant de se parler à nouveau.

'Le Status Quo du 'End of the road' est mort. Celui d'aujourd'hui est tout autre. A cette époque, les relations avec Alan Lancaster devenaient exécrables et çà allait de pire en pire. C'est là, la vraie raison qui nous a fait arrêter de tourner, pas l'âge ou je ne sais quoi : on ne pouvait plus s'encadrer ! Mais on pensait continuer à enregistrer ensemble. En fait, il est vite apparu qu'on ne se supportait pas plus en studio qu'en tournée, ce qui est parfaitement logique' avoue Rossi au magazine Enfer de mars 1987. Pourtant, en 1993, des rumeurs persistantes de reformation du line-up originel voient le jour. Sans suite !

En 1995, à Göteborg, le groupe de Lancaster et Status Quo doivent donner chacun un concert et Alan assiste à la représentation de Quo. Il déclare alors : 'le concert fut fastidieux, la plupart des morceaux sont joués trop vite. Ca me fait mal de voir Rick et Francis dégrader à ce point l'image de Status Quo ». Pourtant, il rencontre Rick et Rhino avec lesquels il vide une bonne bouteille de whisky. Mais depuis, les deux ne s'adressent plus la parole. 'Je ne parle plus à personne. Je les ai poursuivis. Rick savait que les choses que je disais étaient vraies. La dernière fois que j'ai parlé à Rick, il m'a dit qu'il fallait que j'en apporte la preuve. En d'autres termes, il savait qu'il avait pris mon argent. Alors, comment peut-on encore parler à quelqu'un comme ça ?'.

Lors d'une interview donnée à la presse, dans les années 90, Lancaster déclare qu'il a réussi à créer une affaire florissante et possède un lotissement de 85 maisons. « Je suis millionnaire, maintenant parce que j'ai su gérer l'argent que j'ai gagné avec le groupe. Je ne l'ai pas gaspillé en avions ou dans la drogue comme certains. Je suis très heureux avec ma femme, j'ai trois beaux enfants et mon affaire marche superbement. Cependant, c'est assez ironique mais le seul problème de ma vie est quelque chose qui aurait du être super pour moi, Status Quo »

En 1996, dans le magazine allemand 'Heavy, oder was', Francis, à la question 'Repenses tu parfois à l'époque d'Alan et de John? Répond de la manière suivante : « Bien sur, c'était une période formidable, mais qui s'est éteinte tout doucement. Au début, John était un type super, mais le succès, l'argent, l'alcool et sa première femme l'ont complètement transformé et on a du se séparer. Pareil avec Alan, puis d'un jour à l'autre il voulait que nous fassions du "Heavy-metal", mais nous, on ne voulait pas. » A la question suivante :

Les as-tu rencontré depuis? Il répond : J'ai revu John une ou deux fois, mais son attitude n'avait pas changé alors, "not for me". Je n'ai jamais revu Alan, mais après tout on s'en fout, nous sommes en 1996 et pouvons fêter 30 années de succès de Status Quo, c'est formidable, non?

Inutile de préciser que Francis affiche ici son mépris pour ses deux anciens compagnons de scène et que, pour lui, une reformation ne lui effleure même pas l'esprit. En 1998, lors de la tournée australienne de Status Quo, certains fans ont déclaré qu'Andy Bown leur avait confié qu'il avait joué de la basse sur certains morceaux de 'Never too late'. Rumeur infondée, niée par Andy lui-même. Mais dès que ces dires sonnèrent aux oreilles d'Alan, ce dernier appela le management du groupe pour exprimer son mécontentement.

En 2000 puis en 2001, Lancaster attaque de nouveau Rossi et Parfitt pour utilisation illégale de ses prestations. Il affirme alors que Status Quo fait de la promotion avec les enregistrements originaux auxquels il a participé. Sans suite ! Mais il égratigne, de nouveau, ses ex-amis, lors d'une interview privée en déclarant que Rick et Francis n'étaient plus, ni physiquement, ni mentalement à reformer le 'vrai' Status Quo et qu'ils se servaient du nom pour vendre leur 'merde' qu'ils n'auraient jamais pu vendre en solo.

En 2001, Lanc aster enfonce le clou en déclarant : 'J'ai perdu des millions à cause de Rossi. J'ai dépensé tout mon argent pour conserver ce que j'avais. C'est comme se réveiller, un matin, et s'apercevoir que ta femme t'a planté un couteau dans le dos. C'est très dévastateur. J'avais trois enfants et ce qu'il m'a fait est la plus basse chose qu'un homme ait pu faire à un autre. Il a brisé ma vie et ma façon de vivre. Personne ne veut produire un gars de 38 ans qui veut démarrer une nouvelle carrière. Dois-je me sentir aigri ? Jamais, je ne me remettrais de çà ».

A la lecture de cette déclaration, Rossi ne semble pas troublé et rétorque : 'C'est typique d'Alan . C'est encore du masochisme. Comment oses-tu ? Et le vieux matériel ? Tu nous l'a vendu, çà fait une grosse différence ! ». (Mojo, 2001).

Malheureusement, depuis son départ en 1986, Alan vit dans l'ombre de Status Quo. Il sort bien un album intitulé 'Life after Quo' en 1994 mais celui-ci n'est qu'un pâle reflet de son talent. 'Quand j'ai quitté Status Quo, nous faisions partis des dix meilleurs groupe du monde. Maintenant, c'est un vrai stock de rigolade. Je ne jouerai plus avec eux, c'est contre tous mes principes. Ma fille de 22 ans avoue qu'elle est très embarrassée de dire que son père a appartenu à Status Quo'.

Toutes ces déclarations de part et d'autres sont claires. Rossi et Lancaster, c'est fini. Et pourtant, le 10 mars 2010, Alan Lancaster est aperçu au concert de Status Quo, à Sydney. Une rencontre entre Alan et ses ex-potes est même réalisée après la représentation. Et surprise ! La hache de guerre semble enterrée entre les deux. Leurs propos sont sans équivoques. 'Status Quo continuera à faire son truc, le principal est qu'une bonne relation soit réinstallée entre nous, avec cet esprit de camaraderie qui nous liait à nos débuts. Il n'y a pas de sens caché à tout ça. Nous sommes juste heureux que notre relation personnel soit de retour' affirme Lancaster. 'Ce fut génial de le revoir. J'ai réfléchi à une collaboration avec Alan et je ne sais pas ce que ça signifie pour le groupe'. ajoute Rossi. Reformation ? Affaire à suivre.

2013 et 2014 apporteront, finalement, ce que tous pensaient ne jamais revoir : Les quatre membres originaux sur la même scène ... pour le plus grand bonheur de tous ! Malheureusement, quatre années plus tard, les deux se querelleront, à nouveau, lors d'une conversation téléphonique … mettant un terme définitif à leur relation.


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