Le Live Aid
13 juillet 1985. Midi, le soleil est très haut dans le ciel de Londres et inonde de sa chaleur le stade de Wembley. Mais le cœur des fans de Status Quo est aussi brûlant que celle de notre astre qui nous offre la lumière. La lumière, là, pourtant, vient de la scène. Francis Rossi, Rick Parfitt, Alan Lancaster, Andy Bown et Pete Kircher surplombent les 72.000 spectateurs qui n'en croient pas leurs yeux. Status Quo est de retour après un an d'absence. Ceux que l'on croyait finis, usés, apparaissent de nouveau prêt à assommer la foule avec leur boggie si caractéristique. Un mois que les tickets au prix de 25 £ sont en vente, le 14 juin pour être précis. Limités à six par personne, ils sont en nombre insuffisant. Le live Aid a sauvé Status Quo, vraiment car c'est cet événement qui a redonné à Rossi et Parfitt, l'envie de rejouer sur scène. 'Difficile d'admettre que notre métier ne se confinait plus qu'en studio. Status Quo a toujours été conçu pour la scène. Le Live Aid nous a conforté dans l'idée que c'était un peu stupide d'arrêter' précise Rossi au journal suisse, Le Matin. Pourtant, lorsque Bob Geldof a formulé sa demande auprès du management du groupe, Rossi se montre réticent. 'Nous ne sommes plus un véritable groupe et nous n'avons pas répété depuis un moment' affirme t-il. 'J'étais très septique, pas en ce qui concerne le concert mais en notre capacité à le faire. Passer une journée en studio à sniffer de la coke était une chose. Ressusciter le groupe et donner un concert en était une autre'.
Quelques années après, Lancaster déclare, lors d'une interview, que Iain Jones, manager du groupe à l'époque, lui a téléphoné pour lui demander s'il voulait participer au Live Aid. Alan répondit, tout de suite, par l'affirmative mais Jones lui déclara que Rossi, de son côté, ne voulait pas le faire. Alors Alan mentionna à Jones qu'il se chargerait de faire savoir à tout le monde pourquoi Status Quo ne participerait pas. Est-ce cette menace de Lancaster mais Rossi donnera finalement son accord.
De même, Geldof cherche un groupe mythique pour faire l'ouverture et dans sa tête, il n'y a pas d'alternative, ce doit être Status Quo. Petit à petit, de grands noms du rock'n'roll donnent leur accord et il est assez difficile d'établir un ordre de passage. 'Je me souviens d'une conversation où ils nous voulaient soit au début soit à la fin. L'idée a également couru que nous interprétions 'Rocking all over the world' avec Paul Mc Cartney. Cependant, notre manager était conscient du peu d'importance de notre ordre de passage du fait de l'immensité de l'affiche' se souvient Rossi.
Cependant, un fait va amener Quo à la première place. Mike Appleton, l'homme ayant en charge la couverture par la B.B.C déclare : 'Je veux commencer avec Status Quo. Et avec le Quo en ouverture, le titre qui vient naturellement est 'Rocking all over the world'. C'est pas très subtil, peut-être mais c'est exactement en rapport avec l'événement. Pourtant, je ne suis pas sur que Status Quo voudra passer en premier mais nous essaierons de les convaincre. Il n'y aura pas besoin de persuasion. 'C'était pour nous un superbe coup de projecteur que d'ouvrir ce show. Ce fut quelque chose de très spécial. Bob avait dit qu'il voulait que nous fassions l'ouverture et nous avons répondu : Ouais ! Génial ! Nous ne voulions pas être au milieu avec Mc Cartney ou Queen car je pense que nous aurions été avalés'. Précise Parfitt. Un an après leur dernier concert, les Status Quo s'apprêtent à remonter sur les planches après quelques répétitions sommaires. 'Nous avons peu répété car nous devions jouer environ dix minutes. Et puis, par la suite, le groupe ne devait plus rien faire' se remémore Rossi. Petit à petit, la publicité faite par la presse anglaise précise quatre grands titres : 'Le Live Aid, Bob Geldof, Wembley et Status Quo. Peu à peu, une certaine excitation atteint le groupe qui semble s'investir dans cet événement. Le grand jour est là. Le matin, le groupe se réunit dans un pub de Battersea, près du domicile de Parfitt, avant de se faire transporter par hélicoptère au stade de Wembley. Rossi et Lancaster embarquent, avec quelques autres musiciens dans l'un et Parfitt, accompagné de Patti, dans un autre. 'le stade était plein et survoler cette foule qui était prête et attendait était tout simplement incroyable !' explique Rossi. Geldof avait bien précisé que tous les artistes participant à l'événement se devaient d'être présents à 10 heures au plus tard. Toutes les stars réunies pour l'événement sont regroupées dans une grande salle de réception afin d'être présentées au Prince et à la Princesse de Galles. Aussitôt, dès l'arrivée du couple royal, Charles se dirige vers Parfitt, Lancaster, Rossi, Kircher et Bown afin de saluer leur retour et leur témoigner son admiration voire son amitié et surtout de les remercier pour ce qu'il croit être leur retour.
Après cette cérémonie, une horde de journalistes, venus couvrir l'événement, s'accaparent rapidement des artistes, les plus interviewés étant Rossi, Parfitt et Lancaster, véritables idoles de la journée. Bientôt, le groupe pénètre dans sa 'dressing room' qui lui est attribuée pendant vingt minutes avant son show et vingt minutes après. 'Il n'y avait pas grand chose dans ces loges. Pas de fleurs, rien ! C'était juste pour te changer, faire ton boulot et partir' explique Parfitt. 'L'atmosphère dans le stade était différente de ce que nous avions connu avant. Je n'oublierais jamais le moment où nous avons pénétré sur scène. C'était magique. Et puis, nous avons pris conscience qu'il y avait près de 80.000 personnes et des dizaines de caméras braquées sur nous. C'était prenant !' ajoute t-il. Juste avant de monter sur scène, Rossi absorbe une demi bouteille de téquilla et son gramme de cocaïne.
'Ce qu'il y avait de différent avec ce public, c'est qu'il n'était pas venu exprès pour nous voir mais plutôt en ayant le sentiment de participer à l'événement et c'était vrai. Cette sensation a crée encore plus d'euphorie, dans le stade. A l'entrée du groupe, les hurlements de la foule sont assourdissants C'est pourtant un groupe contracté qui débarque sur cette scène pour y interpréter ses trois titres que sont 'Rocking all over the world', 'Caroline' et 'Don't waste my time'. On n'y sent plus cette envie qui faisait vivre ce boogie, les musiciens sont comme scotchés au sol, empruntés.
Il n'est pas difficile de percevoir les différences qui opposent les trois membres principaux du groupe que sont Rossi, Lancaster et Parfitt. Après avoir demandé aux organisateurs s'il restait assez de temps pour interpréter un nouveau morceau, Status Quo termine son récital par 'Don't waste my time' qui, même si cette version est loin d'être la meilleure jouée par le groupe, voit la nombreuse affluence répondre à l'invitation du groupe de battre le rythme en sautillant. Wembley devient alors une sorte de parc à sauterelles. Status Quo termine donc son show juste à temps. Pas question de dépasser le temps alloué sous peine d'amende d'environ 500 Livres pour cause de retransmission en mondiovision. En effet, le show est retransmis dans 160 pays devant plus de 1,5 milliard de personnes. La France se marginalisera en ne diffusant pas ce programme. Lancaster, sans que personne ne le sache, délivre ses derniers accords avec Status Quo (jusqu'à 2013). Ses deux doigts pointés au public, en signe de victoire, au moment de quitter la scène, sont en fait un signe précurseur de la triste fin qui l'attend. Les amis de vingt ans, Rossi, Parfitt et Lancaster jouent donc ensemble pour la dernière fois, quittent la scène pour la dernière fois. A l'instar de Phil Collins, il fut demandé à Status Quo de s'envoler pour le show de Philadelphie aussitôt son show de Londres terminé. Rossi et Parfitt, refuseront prétextant le manque de reconnaissance de leur groupe au pays de l'Oncle Sam. Il est difficile de savoir comment Lancaster, Bown et Kircher ont occupé la restant de la journée. Les deux autres prenant des chemins différents. Bob Geldof nous a dit de faire ce que nous voulions du moment que nous étions de retour pour le final. Alors, je suis reparti, en hélicoptère avec David Bowie à Battersea où j'ai terminé, avec ma femme, dans un pub local. Nous avons regardé, à la télé, le restant du show, jusqu'à ce qu'il soit temps de repartir' précise Parfitt. Rick est accueilli en héros dans le pub car son passage à la télévision a ravi tous les gens présents et il recueille la somme de 70 Livres destinée à être remise à Geldof. Rossi, lui, de son côté, décida de rester à Wembley en backstage partageant cocaïne et alcool avec les stars présentes. 'Bob Geldof est venu nous dire que le show était suivi par plus d'un milliard de personnes et je me suis dit qu'heureusement qu'il ne me l'avait pas dit avant. C'était l'aire de la drogue. J'avais aussi pas mal bu, assis que nous étions tous à une table' souligne le lead guitariste. 'Nous nous étions assemblés derrière la scène et attendions. J'étais assis à une table avec Steve Van Zant et David Bowie, lequel est le seul à être resté très sobre. Soudainement, les lumières se sont éteintes et pour diverses raisons, cette table s'est effondrée. Nous l'avons alors escaladée pour nous rendre au final du show. C'est tout ce que je me souviens' ajoute t-il. 'Rick était revenu du pub et était aussi camé que moi. Ce n'est que lorsque j'ai vu les photos et la télévision, le lendemain, que j'étais sûr d'avoir participé à ça'. Rossi semble donc passablement dans un autre monde au moment de rejoindre la scène pour le final. Son compère, Parfitt, ne semble pas mieux loti et après avoir revêtu un tailleur couleur ébène quitte le pub de Battersea en compagnie de Patti, habillée d'une superbe robe mauve achetée par Lancaster, Parfitt étant complètement fauché à cette époque. Après quelques échanges amicaux avec Paul McCartney, Rick rejoint Francis pour le final. 'Quand je suis revenu pour la fin du show, j'étais complètement parti. J'avais ma femme avec moi et lui ai demandé de monter sur scène à mes côtés mais elle m'a répondu : Non, non ! Alors je lui ai répondu : 'Si, viens ! Personne ne le remarquera !' Et nous étions là, tous les deux aux côtés d'Elton John, avec un large sourire sur nos visages !' admet Parfitt. C'est vrai que le sourire ne quittera pas Rick pendant les 4 minutes du final. Mais, le sourire n'est pas présent parce qu'il est heureux mais parce qu'il est complètement sous l'influence de la drogue et de l'alcool et ça se remarque aisément sur la vidéo. Pour la petite histoire, à noter que Patti renversa malencontreusement son verre de vodka sur George Michael. ''Quand je repense à la première conversation que nous ayons eu avec Bob Geldof et que nous lui avons dit que nous ne pouvions pas participer, que nous ne serions pas assez bons et bien si nous avions réellement refusé, nous nous serions toujours dit : 'mon Dieu, nous aurions dû faire cela. Je suis très heureux que nous nous soyons rassemblés pour ce jour. Ce fût un honneur' conclue Parfitt. Mais le pauvre Rick était tellement cassé qu'il fut, alors que toutes les stars envahissaient la scène pour interpréter le titre 'Do they it's Christmas', incapable de chanter. Il en fut si contrarié, que pendant le chemin du retour, il s'arrêta fréquemment pour frapper tous les terplins qu'il pourra trouver sur la route. A l'origine, Bob Geldof pensait recueillir 10 millions de Livres, ce sera, en fait quatre fois plus ! Il faut dire qu'il n'arrêtera pas de rameuter du monde en déclarant périodiquement pendant la retransmission : 'N'allez pas au pub, ce soir, s'il vous plait, venez ici et donnez-nous votre argent. Il y a des personnes qui meurent, en ce moment'. Il prendra, lui-même, la communication de la famille royale de Dubaï qui offrira 1 million de Livres.